La Forêt s'en vient
L'Écart, Lieu d'art actuel (Rouyn-Noranda)
Galerie Laroche/Joncas
Salle André Mathieu
La Forêt s’en vient n’est pas une exposition de paysages. Au contraire. Vous y trouverez quelques arbres, mais la Forêt représente plus ici un état, une ambiance, un sentiment. Le paysage, c’est la nature domestiquée par l’être humain. C’est le jardin, la photo ou la peinture du lieu sauvage composé et recadré pour devenir jolie et rassurant. La Forêt n’est pas rassurante. Elle est mystérieuse, étrange, menaçante. C’est là que les sorcières et les druides cueillent les ingrédients de leurs potions magiques. C’est là que rôdent les hors-la-loi et les morts vivants, que se rassemblent les magiciens et les hérétiques, que se cachent les voleurs et les ninjas. Si vous errez dans la Forêt et croisez l’un de ses habitants, vous y trouverez des êtres qui vous semblent présent devant vous et simultanément ailleurs. Ils sont partout et nul part ; singulier et pluriel ; ils font rire et peur à la fois. La Forêt est le lieu de l’étrangeté.
Ce qui est étrange est menaçant. Ce qui est menaçant est nécessairement un possible et le possible reste coincé dans l’état d’être en train d’arriver. Il n’y a aucune certitude avec les menaces, sinon leur imprévisibilité et l’impression qu’elles s’en viennent. Tout le monde pense que la Forêt est immobile parce que les arbres sont enracinés, mais lorsqu’on la conçoit comme une multitude de petits événements, de fêtes obscures dont les acteurs sortent d’eux-mêmes ou disparaissent de leur corps toujours visible, la limite du bois dépasse son orée d’arbres et hante les gens comme vous et moi de sa présence insaisissable. J’aimerais vous expliquer plus clairement ce phénomène, mais il me semble être en sois une abstraction, un non-sens. Il faut laisser venir l’inévitable, même s’il n’arrive jamais.
La Forêt s’en vient est une série de tableaux peuplés de personnages dont les interrelations sont déphasées et les comportements absurdes ce qui crée quelques fois le sentiment d’inquiétante étrangeté ou de grotesque. Provenant de plusieurs sources, les personnages sont généralement agencés sur la toile à la manière d’un collage, ce qui crée l’incohérence entre les comportements de chacun et amène une certaine opacité au sens de l’œuvre.